« Il existe des dizaines de définitions du burn-out », commence Eva Geluk. « Il y a toutefois un consensus sur le fait qu'il s'agit principalement d'une affection liée au travail. La situation privée peut avoir un impact, en tant que source de stress supplémentaire, mais peut aussi faire office de tampon. » Eva est chercheuse senior à l'Antwerp Management School et a collaboré à l'étude consacrée à la réintégration après un burn-out.

« Cette étude était plus que nécessaire », souligne Bart Teuwen, expert en absentéisme chez Mensura. « Les chiffres liés au burn-out ne cessent d’augmenter. » « Par ailleurs, il ressort de notre propre étude qu’environ un quart des personnes font une rechute après la période de réintégration », ajoute Eva. « Et jusqu'à la moitié d'entre elles craignent cette rechute. »

A propos de l’étude

L’étude « Co-crafting voor een geslaagde werkhervatting na burn-out » de l’Antwerp Management School (AMS) a débuté en 2020 et s’est penchée durant trois ans sur plusieurs cas concrets de retour au travail après une absence de longue durée due à un burn-out. En se basant sur les expériences des travailleurs réintégrés et de leurs managers, les chercheurs ont développé, testé et validé un nouveau type d'intervention. L'étude s'inscrit dans le cadre d'un projet d'innovation du FSE et a pour partenaires Mensura et la Vereniging van Erkende Stress- en Burn-outcoaches (Association des coachs reconnus en stress et en burn-out).


Un environnement sûr augmente les chances de succès de la réintégration

Qu’est-ce qui pose problème lors du retour au travail après un burn-out ?

Bart : « La réintégration suscite surtout des sentiments négatifs. De plus, les parcours de réintégration sont trop axés sur la limitation du temps de travail. Alors que l’étude de l'AMS montre que nous devrions nous éloigner de cette politique de « ménagement », pour nous tourner vers de nouvelles possibilités d’épanouissement via le jobcrafting.

Eva : « Il existe en effet de nombreux leviers pour augmenter les chances de réussite d'un processus de réintégration. Se concentrer sur les possibilités plutôt que sur les limites est certainement l'un d'entre eux. Mais il faut aussi maintenir la communication pendant la période d'absence, car la réintégration commence déjà à ce moment-là. Et très important : l'employeur et le travailleur doivent oser exprimer leurs attentes. Un environnement psychologiquement sûr est indispensable pour cela. »

Geluk Eva

« L'employeur et le travailleur doivent oser exprimer leurs attentes. Un environnement psychologiquement sûr est indispensable pour cela. »

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Le facilitateur de réintégration lance le dialogue

C'est là que le rôle de l'interlocuteur neutre - le facilitateur de réintégration - entre en jeu ?

Bart : « En effet, dans l'étude, nous avons testé le rôle du facilitateur de réintégration et sa valeur ajoutée est apparue de manière plus qu’évidente. Comme une araignée neutre tissant sa toile, il ou elle crée un contexte sûr favorisant le dialogue entre toutes les parties prenantes. Les managers, les collègues et les RH sont généralement compréhensifs, mais les problèmes et les attentes restent souvent inexprimés, tout comme les préjugés.»

Eva : « Il est essentiel d'identifier précisément ce qui a mal tourné pour savoir quels leviers actionner. Reprendre le travail graduellement fait partie du processus. Pourtant, la clé d'une réintégration durable ne réside pas dans la réduction de la charge de travail, mais dans les ressources mises à disposition. Concrètement : davantage de soutien de la part du manager, des collègues proches, des mesures de prévention au niveau de l'organisation... »

La conduite du processus de réintégration demande de l’expertise

Le facilitateur neutre est la plaque tournante des parcours de réintégration individuels. Intègre-t-il également ses conclusions dans la politique de réintégration collective et la prévention de l’absentéisme ?

Bart : « Oui, bien sûr. L'intégration dans votre politique des enseignements tirés de chaque processus de réintégration individuel permet de boucler la boucle. C'est ainsi que l'on évite que certaines situations problématiques ne se reproduisent. L'animateur est bien formé pour jouer ce rôle et conseiller le service de prévention interne ou les RH de manière appropriée.

Eva : « La Belgique est un pays de PME. On ne peut certainement pas attendre des petites organisations qu'elles disposent de l'expertise nécessaire pour mener un processus de réintégration et adapter ensuite leur politique. Sans parler du temps que cela prend. En cas de besoin, vous devez pouvoir faire appel à ce savoir-faire et cette capacité supplémentaire. »

Sur la base de l’étude, l’AMS a créé une master class. Les futurs facilitateurs de la réintégration y apprendront comment mieux adapter la reprise du travail après un burn-out aux besoins du travailleur et aux possibilités de l'employeur.

Foto Bart

« L'intégration dans votre politique des enseignements tirés de chaque processus de réintégration individuel permet de boucler la boucle. »

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Une réintégration réussie peut également se faire avec d’autres employeurs

Au cours de l'étude, vous avez testé le rôle du facilitateur dans la réintégration après un burn-out. L'approche est-elle également applicable à d'autres parcours de réintégration ?

Eva : « Oui, car après chaque période d'absence de longue durée, les travailleurs se posent la question suivante : qu'est-ce que je peux encore faire et qu'est-ce que je ne peux plus faire ? L’important, c’est de se concentrer sur les possibilités plutôt que sur les limites. Et de sensibiliser l'équipe au retour de leur collègue. Un accompagnement neutre est donc synonyme de valeur ajoutée dans tout processus de réintégration. »

Enfin, que se passe-t-il si, au cours de la réintégration, il s'avère que l'employeur et le travailleur ne parviennent pas à renouer le dialogue ?

Bart : « Parfois, on se heurte aux limites de ce qui est possible en termes d'adaptation de la fonction. D'après mon expérience, de nombreux employeurs considèrent alors que la réintégration a échoué, mais rien n'est moins vrai. Le fait de laisser votre collaborateur reprendre le contrôle de sa situation professionnelle et privée témoigne de vos qualités de bon employeur, mais parfois cela n'est pas possible dans votre organisation. Poursuivre sa carrière avec succès dans une autre entreprise peut donc également être considéré comme un résultat positif. Vous pouvez même y jouer un rôle actif en tant qu'employeur actuel. »

Eva : « L'un des cas examinés dans le cadre de notre étude en est un exemple typique. Avec l'aide du facilitateur de réintégration, l'employeur et le travailleur sont rapidement arrivés à la conclusion qu'ils ne pouvaient plus trouver de terrain d’entente. Ils ont cherché ensemble une solution constructive. Le travailleur a suivi une formation avant de rejoindre un autre employeur. Ils ont ainsi évité un processus épuisant de redémarrage et de rechute - ce qui est une bonne chose. »