C’est un fait certain : les lettres de mise en demeure incitent fortement à l’action. Les employeurs contactés examinent effectivement déjà comment éviter l’amende. Travailler de manière proactive sur la santé des collaborateurs et contribuer ainsi à prévenir l’absentéisme à long terme est certainement une piste judicieuse. Le gouvernement souhaite également investir intégralement l’argent récolté au travers des sanctions dans des fonds de prévention.

Et, en soi, cela mérite d’être salué. Avec près d’un demi-million de malades de longue durée, il est urgent que notre société prenne des mesures. Les sanctions peuvent en faire partie, mais elles risquent également de pousser les entreprises à trouver des parades pour échapper à l’amende. Les employeurs pourraient notamment se montrer moins disposés à embaucher des travailleurs souffrant de problèmes de santé. Ou moins enclins à signaler l’absentéisme, par crainte d’une amende. La sous-exploitation des talents ou la réduction de l’accessibilité au travail pour les personnes handicapées ne sont donc pas à exclure.

L’approche actuelle risque d’être un processus plutôt unilatéral, axé principalement sur une incitation pour l’employeur. Or la réintégration concerne bel et bien les deux parties. La portée de l’incitation vis-à-vis du travailleur reste ici limitée. Pour que les deux parties coopèrent activement à la réintégration, il faut également veiller à ce que le travailleur ne puisse pas opter trop aisément pour la solution de facilité.

Dans le même temps, il convient d’éviter de faire pression sur les malades de longue durée pour qu’ils reprennent le travail. Et que fait-on des causes sous-jacentes de l’absentéisme ? En tant que petit employeur, vous aurez inévitablement la malchance d’employer un certain nombre de collaborateurs confrontés à une maladie grave. L’amende est-elle bien légitime, le cas échéant ?

Il ne semble en outre pas raisonnable de mettre tous les secteurs dans le même sac. Le fait qu’un tiers des organisations actuellement visées par cette mesure soient des établissements de soins de santé donne matière à réflexion. Ces organisations ont été particulièrement touchées par la crise du coronavirus. Elles sont par ailleurs souvent confrontées à une pénurie de personnel. Une sanction financière est la dernière chose dont elles ont besoin.

Il semble donc judicieux de prendre en considération des éléments supplémentaires pour déterminer si une sanction financière s’impose ou non. Par exemple, quels efforts ont été consentis pour favoriser la réintégration ? Quelles mesures ont été entreprises pour améliorer le bien-être des collaborateurs ou prévenir les maladies ? Et dans le cas des métiers en pénurie, ne pouvons-nous pas nous montrer plus indulgents lors de l’examen de la nécessité d’une sanction ?

Tout le monde s’accorde sur le caractère incitatif des mises en demeure. Mais sans politique d’accompagnement, celles-ci passeront à côté de leur objectif. Outre les sanctions, des incitations, voire des récompenses, devraient également s’inscrire dans cette approche. Notamment au travers de subventions pour la prévention ou de chèques « intervention » pour le déploiement, plus rapide et plus ciblé, des interventions multidisciplinaires (collaborations entre médecins du travail et autres spécialistes de la prévention). Un tel ensemble d’incitations plus équilibré peut contribuer efficacement à réduire le risque d’incapacité de travail de longue durée.